levure de brassage

Ce que vous devez savoir sur la levure

C’est l’un des ingrédient le plus difficile à maîtriser dans le brassage. Je vous propose dans cet article un peu de théorie pour mieux connaître la levure de brassage.

Nous verrons dans un premier temps son histoire, pourquoi elle est si importante, puis nous verrons comment prendre soin d’elle et enfin comment savoir si la fermentation se déroule bien !

Bonne lecture à vous !


Brève histoire de la levure

Pendant de nombreuses années la levure était méconnue et la fermentation était perçue comme un mystère divin. Une réaction chimique avec l’air ? Avant que les microscopes existent personnes ne se doutait que la bière était crée par des micro-organismes.


Le saviez vous ?

Avant le XVIIIème siècle, les brasseurs n’ayant pas les connaissances scientifiques d’aujourd’hui, étaient très superstitieux. La transformation du moût en bière relevait presque de l’alchimie dans l’imaginaire de l’époque. Pour se donner de la chance et se prévenir d’un mauvais brassin, les brasseurs installaient une étoile nommée étolle (semblable à l’étoile de David) dans leur brasserie. Elle symbolise les 4 éléments.
C’est cette étoile que nous retrouvons sur une bouteille de bière d’un certain Heineken !

Pour en savoir plus sur le sujet, n’hésitez pas à aller voir l’article du bloggeur le sous-bock sur le sujet : l’étoile du brasseur.


Il faut savoir qu’à cette époque, les bières étaient colonisées par de nombreuses levures sauvages, certains brasseurs avaient réussi à stabiliser leurs recettes. Ils récupéraient le dépôt de leur bière contenant leur levures comme dans le pain et les réutilisaient. Mais ils ne comprenaient pas ni ne maîtrisaient. De nombreuses herbes et divers ingrédients étaient ajoutées dans les bières donnant d’ailleurs des résultats très aléatoires !

En 1516, les Bavarois ont voulu mettre en place le premier standard de qualité de la bière. ils créèrent la Reinheitsgebot, la loi de pureté, base de qualité pour la production de bière imposant l’eau, le malt et le houblon comme seuls ingrédients utilisable pour le brassage de bière. Il leur manquait un ingrédients essentiel encore pour bien comprendre et maitriser le procédé !

C’est seulement en 1879 qu’une grande avancée scientifique fut découverte…

Louis Pasteur, ce héros

levure bière

Louis Pasteur travaille sur le vin et la bière, dans un souci de conservation et pour empêcher la dégradation du produit. il étudie le procédé de fermentation sur différents supports.

Il a pu prouvé que la fermentation était due à des micro-organismes : les levures ! ils alla beaucoup plus loin en permettant aux brasseurs de comprendre la levure et également de saisir que les bactéries et levures « sauvages » étaient initiatrice de faux goût. Une nouvelle ère brassicole vis le jour.

Carlsberg transforme l’essai et industrialise la bière

Par la suite, de nombreuses brasseries lavèrent et désinfectèrent tout leur matériel en isolant certaines souches de levures. La brasserie la plus connue fût Carlsberg qui réussi à isoler la levure nommé Saccharomyces pastorianus ou carlsbergensis. La fameuse levure des bières Lager qui fermente à froid. Cela facilite grandement la non prolifération de bactéries.

Ainsi Carlsberg eu une énorme avancée sur ces concurrents qui brassaient des Ales à chaud contenant encore des bactéries avec des goûts aléatoires. Ce fut le début du succès mondial des lagers qui inondent encore le marché aujourd’hui.

Alors aujourd’hui bien sûr avec nos techniques modernes de souche de levures pures et d’hygiène, Les Ales sont tout aussi « propres » que les Lagers mais les consommateurs sont encore très habitués à des bières limpides sans dépôt et des fois insipides…

Heureusement nous avons maintenant de nombreuses irréductibles microbrasserie gauloises qui luttent pour redonner ses lettres de noblesses à notre boisson favorite !


Pourquoi la levure est-elle si importante ?

J’aime beaucoup la phrase ci- dessous qui nous oblige en tant que brasseur à une certaine humilité !

Le brasseur brasse le moût, la levure crée la bière.

Les travaux de Karl Balling ont démontré que la levure va transformer les sucres en

  • 46.3% de CO²
  • 48.4% D’éthanol
  • 5,3 % de masse de levures

Si vous faites le calcul il manque 1,6% ! et bien ce sont plus d’une centaine de composés qui sont produits par la levure et qui un énorme impact sur le goût final de la bière.

Ainsi la levure va transformer jusqu’à 80% des molécules présentes dans le moût !

On imagine facilement que si elle ne travaille pas bien (mauvaise croissance, pas assez de levures, mauvaise santé de la levure, désinfection..) le moût sera mal transformé et des faux goûts apparaîtront.


Les infos à connaître pour des levures en bonne santé

Imaginez que vous êtes un cow-bow de la bière. Au lieu d’un ranch avec des vaches, vous avez un fermenteur avec des levures !

élevage levure

Votre rôle pour brasser une bonne bière c’est de les chouchouter. Elles transforment le sucre en alcool pour leur métabolisme de reproduction et de survie. Elles se moquent que vous essayez de faire de la bière. Vous devez la maintenir en bonne santé pendant tout le procédé.

Ainsi, je vous propose ci-dessous, une liste des éléments nécessaires pour une levure en bonne santé :

Des sucres

La complexité de sucres présents va influer fortement sur la fermentation. Les sucres simples sont plus fermentables que les sucres complexes. Les moûts contenant beaucoup de glucose par exemple vont mener à des taux d’esters plus importants que la normale (goût de solvant en trop grosses quantité). A l’inverse les moûts riches en maltose défavoriseront cette production.

Un empâtage raté ne produira pas beaucoup de sucres fermentescibles. Votre job est donc de fournir les bons sucres à la levure pour qu’elle ne crée pas de molécules initiatrices de faux goût. Ne rajoutez donc pas trop de glucose ou de sucres dans vos brassins et suivez bien vos paliers de température.

De l’oxygène

L’oxygène est un facteur critique pour le développement des cellules. Les levures l’utilisent pour la production de stérols nécessaires à la fluidité des parois de la cellule. Cette fluidité permet le bourgeonnement de la levure « fille » et sa multiplication. Il est donc nécessaire à la reproduction des levures. Les bières Lager et à forte densité ont un besoin encore plus important d’oxygène. Vous pouvez secouer votre fermenteur pour apporter de l’oxygène au moût ou bien verser avec éclaboussure votre moût dans votre fermenteur, cela suffit. Si vous êtes stressés des infections, il est possible d’acheter des aérateurs de moûts (perso, je trouve ça inutile).

Des nutriments

Les levures ont besoin de vitamines, de minéraux et d’acides aminés pour pouvoir être en bonne santé et bien travailler. Ces éléments sont présents en quantité dans le moût de bière. Pour un brasseur amateur, c’est donc un facteur négligeable à moins que vous ne réutilisiez vos levures. Dans ce cas, il est possible au bout de plusieurs utilisations d’acheter des nutriments pour levures.

Une température contrôlée

Si je vous mets dans un bureau à -5°C ou dans un autre à 40°C, il y a de fortes chances que vous ne soyez pas très efficace :-). La levure c’est pareil !

Il faut comprendre que c’est le facteur clef de la réussite d’une bière ! si vous faites une mauvaise bière et que ce n’est pas du à une infection, il a de très fortes chances que cela vienne de là. Une mauvaise gestion de la température mène à de nombreux faux-goûts. Ce facteur est d’autant plus important si vous brassez en petite quantité (5-10L). Plus le brassin est petit, plus les changements de températures vont affecter la qualité de la bière.

Choisissez un endroit pour fermenter entre 18 et 23° (pour la majorité des Ales) où la température ne varie pas trop et sans courants d’airs.

Et n’oubliez pas l’arme ultime du brasseur : un frigo thermorégulé fait maison pour vos fermentations ! plus d’infos sur mon article tuto pour construire sa chambre de fermentation


Comment bien suivre la fermentation ?

L’erreur que vous pouvez commettre, c’est de mettre votre fermenteur dans un coin et aller le voir 15 jours après pour embouteiller. Vous ne pourrez en aucun cas savoir si elle se déroule comme il faut. Vous devez mesurer au minimum la densité au début, pendant et à la fin de fermentation. Vérifiez régulièrement la température de fermentation (un scotch autocollant peut très bien faire l’affaire) et la quantité de levure que vous insérez dans votre moût. Pour aller plus loin il est possible de mesurer le Ph, la quantité d’oxygène ou encore le C0². Toutes les mesures que vous prendrez, vous permettrons de gérer au mieux la fermentation.

Votre mission si vous l’acceptez est d’écouter votre levure !! elle ne peut pas crier bien sûr mais vous pouvez pendant la fermentation mesurer sa « santé ». Pour cela vous pouvez effectuer les actions suivantes :

Mesurez la densité de vos brassins

mesure densité

Cela vous permettra de mesurer l’atténuation créée par la levure et voir si elles ont bien travaillé. Voici les moments où vous devez la mesurer :

  • Densité Initiale, c’est à dire la densité de votre moût avant d’inoculer la levure.
  • Densité à la fin du glou glou du barboteur : c’est optionnel mais j’aime bien voir si tout se passe bien ça me rassure. Si jamais la fermentation s’est bloquée, on peut à la limite rajouter de la levure ou allonger la fermentation secondaire
  • Densité finale : au moment de l’embouteillage, c’est souvent le moment de vérité pour savoir si la bière a eu l’atténuation attendue

Pour les pro : le top du top c’est carrément de pouvoir compter vos cellules à l’aide d’un microscope, c’est apparemment assez simple à faire et c’est plus efficace que prendre des mesures de densité.

Mesurez la quantité de cellules

Essentiel pour des levures en bonne santé : leur nombre. La quantité de levure que vous allez apporter à votre moût est primordiale . On parle de taux d’ensemencement.

J’en parle plus en détail dans mon article Qui veut réussir sa fermentation ?

Pour vous donner un ordre d’idée et simplifier, j’utilise la règle suivante pour mes brassins : pour 20L de bière, je mets 1 sachet de levure si la densité initiale est en dessous de 1,045. Au dessus je mets 2 sachets.

Observez la floculation

C’est très amusant d’aller voir son fermenteur si il n’est pas opaque ! vous allez pouvoir vous rendre compte du suivi de la fermentation. Si tout se passe bien, au début vous verrez les cellule en suspension et en mouvement. Elle se déposent ensuite petit à petit.

Détectez l’apparition de faux goûts

La, c’est simple il suffit de goûter de temps en temps :-). Cela vous aidera à détecter à quel moment le faux goût arrive et potentiellement agir. (Personnellement, je ne le fais jamais mais comme c’est conseillé dans la littérature il faudrait que je m’y mette ! )

En résumé

Apprenez à connaître votre levure en prenant ces mesures régulièrement et étudiez son comportement.

Vous pourrez voir si tout se passe bien et surtout pouvoir être en mesure de réparer des erreurs aux prochains brassage. C’est essentiel si vous souhaitez avoir un goût constant pour brasser la même bière à chaque brassin.

Ainsi l’idée de ces mesures n’est pas forcement de sauver la bière mais surtout de ne pas refaire les mêmes erreurs.


Conclusion

Longtemps méconnue, la levure transforme votre jus de malt en une délicieuse bière. Si elle travaille mal, ce sera du jus de chaussette…

Vous l’avez compris, pour une bonne bière, il vous faut une levure heureuse !!

Voici les points essentiels que vous devez effectuer pour y arriver

  • Une bonne température de fermentation
  • La bonne quantité de levures quand vous versez dans votre fermenteur
  • Lui fournir les nutriments nécessaires à son développement
  • Suivre l’évolution de la fermentation pour comprendre
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3 commentaires sur “Ce que vous devez savoir sur la levure

  1. Bonjour Thomas
    Question d’un débutant (même pas encore, je n’ai pas commencé) : Tu parles de mesurer la densité, de goûter de temps en temps. Mais comment faire cela sans déboucher le fermenteur ou au moins enlever le barboteur ? Ça risque de faire contaminer le brassin par l’air ambiant, non ?

    1. Bonjour Jean-Marie,
      Pour goûter et faire des prises de densité, il est préférable d’avoir un fermenteur avec robinet. Si tu n’en as pas, ne le fait pas car tu devras ouvrir ton fermenteur et prendre des risques d’oxydation ou d’infection.
      Tu peux tout simplement attendre 14 jours minimum et mesurer la densité à l’embouteillage.
      Bons brassages à toi
      Thomas

  2. Merci Thomas. Je t’en donnerai des nouvelles. Pour le moment je cherche un frigo pas cher. Il fait autour de 28⁰ dans mon garage au sous-sol ici à Marseille. Un peu chaud pour les levures.

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